Dans notre découpage du thème de notre blog, la philosophie de l’entreprise, nous avons défini des sous-thèmes, en nommant « gestion » se qui se rapporte à la comptabilité, aux finances, à la planification budgétaire, aux investissements et à la rentabilité. Étrangement il nous est apparu que les formations à la création d’entreprise se focalisaient sur cet aspect, alors que la production et l’art du commerce nous semblent bien plus essentiels. Nous pourrons alors nous souvenir que Aristote employa le terme de chrématistique (χρηματιστική) pour designer « l’art de s’enrichir » car le mot khréma (χρημα) désigne les affaires en grec, le business. Or, lorsqu’il dit alors que l’art réside dans la pertinence des achats que l’on fait, on pourrait se demander s’il ne voyait pas là que l’aspect commercial, au lieu de l’aspect productif, ou financier.
Or la gestion, bien comprise, est relativement simple à comprendre : il y a d’une part des investissements, des achats dont nous aurons usage pendant plusieurs années, et d’autre part les achats qui sont consommés dans l’année, qu’on appelle « charges ». La gestion est donc basée sur une analyse annuelle des résultats, avec une budgétisation de ces dépenses, qui doivent montrer une contrepartie dans le budget des recettes, des ventes que l’on escompte réaliser dans l’année. Le coût des investissement se divise donc, grosso-modo, par le nombre d’années d’usage, tandis que celui des charges est pris en compte dans l’année où ils se produisent.
On regardera donc en fin d’année le résultat en terme de recettes et de charges, dont la différence est reportée dans le bilan qui comptabilise ce qui est permanent, les investissements mais aussi les stocks, la trésorerie, les dettes, tout ce qui se reporte d’une année sur l’autre.
Mais avant d’en arriver là, nous plaçant en début d’année, il convient d’établir un budget reflétant le fonctionnement que nous prévoyons d’avoir, les moyens dont nous aurons besoin (outils, formations, connaissances) qui seront nos investissements, et le volume de charge que nous pourrons payer sans avoir de recettes. Ce poids financier prévisible définira alors le capital dont nous devons disposer pour pouvoir entreprendre cette petite aventure annuelle. Il fixera l’échéance à laquelle nous serons en banqueroute, dans l’incapacité de continuer à payer nos fournisseurs, nos travailleurs, nos débiteurs. Ce capital définit donc notre horizon d’activité.
Or un aspect discutable là-dedans, un frein à l’activité, est qu’il faut « payer des salaires » non pas pour donner de l’argent aux gens car ils pourraient très bien vouloir participer à l’activité bénévolement, mais parce que ces salaires, pour environ la moitié du coût, sont des cotisations de Sécurité Sociale, de retraite, de prévoyance (décès, invalidité et chômage principalement). On ne leur paie donc pas que ce qui est pour eux leurs recettes, mais aussi ce qui est des assurances de diverses sortes, la pension de retraite étant une forme d’assurance contre la vieillesse, cette faiblesse naturelle, inéluctable, qui finit par nous empêcher de travailler.
En conclusion, la gestion économique, souvent réduite à la sphère comptable et financière, est en réalité une véritable synthèse de l’art de l’entrepreneuriat. Si Aristote utilisait le terme « chrématistique » pour désigner l’art de s’enrichir, il est crucial de comprendre que cette richesse ne se mesure pas seulement en termes monétaires, mais en termes de vision, de planification, et de prévoyance.
L’entrepreneur, en tant qu’architecte de son destin économique, doit non seulement maîtriser les aspects de production, de commerce et de finance, mais aussi développer une aptitude à projeter son entreprise dans le temps. C’est un exercice prémonitoire où la notion du temps, liée étymologiquement à « Chronos », devient essentielle. L’évaluation annuelle, comme le suggère le lien sémantique entre « Khréma » (affaires) et « Chronos » (temps), devient une manifestation de la chrématistique dans l’entreprise.
En établissant un budget, l’entrepreneur doit se projeter dans le futur, anticipant les investissements nécessaires, les charges à assumer, et les recettes à générer. Il doit se poser la question cruciale : « Où dois-je parvenir dans un an, dans cinq ans, dans dix ans ? » Cette vision prospective, bien au-delà des simples calculs financiers, devient un catalyseur de croissance et une boussole pour guider ses décisions stratégiques.
Ainsi, au-delà des aspects techniques de la gestion, l’entrepreneur prospère en cultivant cette capacité à anticiper, à planifier, et à évoluer dans le temps. L’art de s’enrichir, dans cette perspective, s’exprime non seulement dans les résultats financiers annuels mais également dans la construction d’une entreprise pérenne et prospère, capable de traverser les époques avec succès. La gestion économique devient alors une véritable alchimie, mêlant savoir-faire technique et intuition visionnaire.
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