Le plus ancien traité de management a 2400 ans et fut écrit par Xénophon sous le titre de Économique. Le grec οἰκονόμος (oikonomos) signifie les règles, les lois (νόμος, nomos) de la maison (οἶκος, oikos). Ce livre décrit une exploitation agricole au travers d’une interview de son dirigeant par Socrate. Il traite de l’organisation, du management des serviteurs-travailleurs esclaves, des rapports entre les époux, du commerce, et de l’entrainement guerrier du maître de maison. On peut alors y remarquer des constantes perpétuelles par des similitudes avec une PME familiale des années 60.
Puis quatre révolutions, récentes, peuvent être notés dans les siècles récents :
a) Adam Smith qui prône la division du travail par sa spécialisation, concurremment à Condorcet qui prône l’éducation massive des travailleurs, au XVIIIe siècle.
b) A la fin du XIXe siècle Frederik Taylor qui établit une Organisation Scientifique du Travail en étudiant les ouvriers, en créant les premiers principes d’ergonomie pour que les cadences soient élevées, avec une division entre des ingénieurs qui pensent et organisent le travail, et des ouvriers qu’ils dirigent indirectement par des recommandations de mode de travail.
c) Au milieu du XXe siècle se développe la psychologie qui va analyser les personnalités des travailleurs pour mieux interagir avec eux, savoir à quels travaux les affecter, en les catégorisant. C’est l’époque du DISC de Marsden, du MBTI, de l’Enneagramme, voire de l’astrologie et de la graphologie.
d) Enfin, actuellement deux changements sont en cours : la RSE qui change le mode de gouvernance en introduisant des besoins d’attention à l’environnement et aux parties prenantes, et une démocratisation des travailleurs qui sont rendus plus autonomes, et pris en charge par le management pour se développer professionnellement.
Les constantes qui se dégagent alors montrent des activités humaines, des travaux, réalisés par des gens spécialisés dans leur métier, dont le produit du travail, biens ou services, est en général commercialisé, mais peut être parfois gratuit, subventionné par des fonds publics ou privés.
Si l’artisan travaille souvent seul ou en petites équipes, les structures plus importantes réalisent des biens plus complexe, à l’instar d’un chantier naval avec des navires, ou alors assez simples mais produits en masse, à la chaîne, à l’instar des productions de vêtements. Il est en effet plus efficace de répéter inlassablement la même tâche que de traiter soi-même l’ensemble d’un cycle de production. Mais cela n’est possible qu’avec des produits identiques. Lorsque chaque produit est unique, la préparation de la coordination du travail rend le travail collectif moins performant qu’un travail pensé et réalisé par une seule personne.
Par ailleurs on voit que les éléments identifiés par Xénophon perdurent : il y a une organisation de la structure en postes de travail, un management qui dirige les gens plus ou moins directement, une gestion stratégique de l’ensemble, une fonction commerciale et une fonction de production, adjointe de fonctions d’administration et éventuellement de logistique et de bureau d’études.
Mais dans la révolution en cours peut aussi se remarquer un abandon d’une doctrine qui nous vient d’Aristote. Dans son ouvrage appelé Politique, il mentionne également les « maisons » et leur économie, en indiquant qu’il déconseille d’écouter les idées des serviteurs, que c’est au maître de la maison, le patron, d’avoir toutes les idées. Cet aristotélisme est en soi le principe de l’aristocratie, mot signifiant que les plus vertueux doivent détenir le pouvoir, et que ces vertus sont à la fois morales et intellectuelles, par l’éducation et le savoir-faire. On retrouve alors ce système aristocratique chez Taylor où les ingénieurs détiennent la place des « nobles » (appelés « cadres » en France) et les ouvriers celle des « vulgaires ». On voit donc aujourd’hui se réaliser une révolution qui réduit le pouvoir du management pour laisser les travailleurs exprimer leurs idées, être les piliers de la créativité, aller vers une démocratisation des réalisations.
Cette révolution semble motivée par deux facteurs : d’une part le modèle de Smith et Taylor visait une productivité massive qui impliquait une consommation tout aussi massive, ce qui a induit une production de déchets polluants énorme. Il s’agit donc à présent de se remettre à créer des biens durables, propres, en plus petites quantités. D’autre part la déshumanisation du travail par la spécialisation à outrance à fait son temps. Des mouvements intellectuels ont fini par faire admettre que ça n’était pas vertueux, moral, de faire travailler les gens ainsi. Cela nuisait également à l’engagement des travailleurs dans le projet de leur entreprise.
C’est alors qu’apparaît un besoin de communication interne pour que les employés aient une vision globale de leur entreprise, de ce qui s’y passe. Jusqu’alors c’était les managers qui se chargeaient de cette collecte et circulation d’information, en n’informant les employés que de ce qui les touchait directement. La démocratisation de l’entreprise, afin que tous et toutes sachent ce qu’il y a à faire, entraîne un besoin de communication plus transparente qui pourrait être réalisée par des spécialistes en journalisme. Car sans information massive, la démocratie ne peut fonctionner.
En somme, l’évolution des modèles économiques et organisationnels reflète une transition fondamentale vers la durabilité, l’autonomie des travailleurs et une communication transparente. La déshumanisation du travail, autrefois encouragée par une spécialisation extrême, a conduit à une consommation excessive et à une exploitation des ressources naturelles. À l’ère de la durabilité, les entreprises cherchent à réhumaniser le travail, à favoriser la collaboration et à repenser leur impact sur l’environnement. La communication interne, guidée par des journalistes d’entreprise, émerge comme un moyen clé de maintenir la transparence et l’alignement au sein des organisations.
Laisser un commentaire