Harmonie technologique : Arranger et déranger

Naviguer entre les progrès et la propriété intellectuelle dans l’ère de ChatGPT, une symphonie entre innovation et respect des fondamentaux.

Mon éducation m’a porté à faire attention à arranger les gens et ne pas les déranger. C’est ainsi que typiquement on m’avait instruit qu’un véhicule lent dérange ceux qui peuvent rouler à la limite de la vitesse autorisée, et qu’il ne fallait donc pas rouler trop lentement. Mais qu’il ne fallait pas non plus rouler trop vite car alors vous gênez (voire mettez en danger excessif) ceux qui roulent selon les conventions du Code de la Route. J’ai fini par me rendre compte qu’il en va de même pour les progrès technologiques, qu’il ne faut pas bousculer sans cesse par des innovations, sans pour autant rester trop en deçà des avancées, savoir progresser avec une forme d’harmonie avec les autres gens, ne pas les « larguer ».

Or on peut noter ce clivage actuel dans la société entre les adeptes de ChatGPT et ceux qui de façon plus ou moins marquée le critiquent, le moquent, clament de s’en méfier. Un nouveau type d’outil a été inventé, comme Nicéphore Niépce qui inventa la photographie, ou Guglielmo Marconi la télégraphie sans fil. Depuis deux siècles nous avons ainsi des inventions révolutionnaires qui soudain apparaissent, causent quelques remous le temps de s’y adapter, se perfectionnent, et finissent, quelques temps plus tard, à être devenus totalement usuels. Fatalement, ces inventeurs dérangent ceux qui s’étaient bien adaptés à la situation antérieure, en tiraient profit. Les inventeurs essuieront donc des critiques naturelles de ces jaloux, tandis que d’autres embrayeront dans ce nouveau rythme de l’humanité qui sera bercé par les progrès de cette invention.

Néanmoins là où ChatGPT dérange significativement est du registre, justement, de la propriété intellectuelle. Jusqu’ici les textes étaient identifiés par leurs auteurs réels ou par leurs commanditaires dans le cas du travail d’un prête-plume. Or dans ses début ChatGPT était si poussé qu’il pouvait imiter le style et les idées d’un auteur. Non pas le plagier mais écrire aussi bien (ou mal) que lui. Il a donc fallu le brider. On risquait de se retrouver avec une kyrielle de Victor Hugo, signant de son nom ou d’un autre. Or c’est comme les bons vins, une part de l’appréciation tient à la part de rareté des écrits. Ou alors on doit partir dans le niveau de production de Frédéric Dard. Et d’autre part on déteste la pseudépigraphie tout comme on détestera un pseudo-Rembrand.

Peut-être à cause de cela, je n’arrive plus à le faire écrire avec le style que j’emploie. Mes lecteurs qui me connaissent bien savent reconnaître dans un texte co-écrit quelles parties sont de ma plume et lesquelles ont été rédigées par ChatGPT. Eh bien alors qu’à cela ne tienne, citons expressément quand un texte est rédigé par un humain ou par une IA, et ne boudons pas nécessairement les IA sous le prétexte futile qu’elle n’auraient pas assez de dignité pour être lues. Après tout, ce qu’elles racontent a été généré sous la commande d’un humain, à l’instar du photographe qui compose son image en studio, dispose ce qu’il fixe et éventuellement le retouche.

Tenter de leur faire créer des textes ou des images qui auraient la même esthétique que celles produites par un humain me paraît puéril, voire dénoter une volonté sous-jacente de tromper, de mentir. Cela me rappelle l’époque où sont apparues les premiers marchands de pain dont la pâte était produite en usine au lieu d’être pétrie dans le fournil par un boulanger. Et en effet, ces premiers pains industriels avaient un goût assez pitoyable, il fallait donc distinguer la véritable boulangerie de la pseudo-boulangerie. Il me semble donc que ce préalable juridique pourrait servir de base pour une législation adaptée aux IA, et que je n’ai pas de scrupules à avoir une production pour partie « industrielle » et pour partie « artisanale », en l’indiquant clairement à mes lecteurs.

(Et ici je lui ai confié la tâche d’établir le sous-titre de cet article)

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