1. Prospérité et Besoin de Performance
Dans le monde de l’entreprise et des organisations, il est courant de voir certaines institutions prospérer avec aisance tandis que d’autres peinent à atteindre leurs objectifs. Cette prospérité — ou, au contraire, ce besoin constant de performance — influence directement le style de leadership adopté et les attentes envers les membres. Une institution en bonne santé financière peut, par exemple, se permettre une approche de leadership plus souple, centrée sur le développement humain et la bienveillance. En revanche, celles qui luttent pour survivre se concentrent souvent sur les résultats et la productivité, pouvant adopter des styles de management plus durs, parfois même autoritaires.
Les entreprises les plus exigeantes en termes de performances posent implicitement la question de l’ascendant : est-ce un mal nécessaire que certains se distinguent par leur charisme, leur capacité à guider, ou même leur inclination à prendre des décisions difficiles ? Et, face à ce besoin de figures fortes, d’autres questions se posent : jusqu’où faut-il pousser les performances, au risque de nuire à la cohésion sociale ? Et, plus fondamentalement, les membres les moins performants sont-ils destinés à être marginalisés, au nom d’une forme de “darwinisme social” ?
2. Tension entre Économie et Social
La dynamique entre performance et bien-être pose la question de la finalité de chaque organisation. Certaines institutions placent la rentabilité et l’efficacité comme objectifs principaux, tandis que d’autres intègrent des valeurs humaines au cœur de leur mission. Cette tension entre deux finalités, l’une économique et l’autre sociale, soulève des choix fondamentaux : doit-on favoriser l’épanouissement de chaque membre de l’équipe ou rechercher des gains de productivité coûte que coûte ?
Cette divergence peut mener à deux visions opposées du leadership. D’un côté, une approche qui valorise un “darwinisme social” : les plus performants s’épanouissent, les autres sont laissés à eux-mêmes. On y retrouve une vision quasi naturelle de la compétition, où seuls les plus forts subsistent. De l’autre côté, une approche qui met en avant la bienveillance et la responsabilité sociale, notamment vis-à-vis des membres les plus vulnérables de l’organisation. Ici, le rôle du leader prend une dimension plus protectrice, visant à garantir une forme d’égalité de droits et de chances. C’est un rôle de “patron” au sens étymologique, qui protège et guide sans dominer tyranniquement.
3. Leader : Patron ou Despote ?
Ce besoin de leadership protecteur ou, au contraire, exigeant, amène à la question du caractère même du leader. Dans la dynamique de groupe, certains adoptent spontanément un style de patron, veillant sur l’ensemble de l’équipe, tandis que d’autres s’affirment en despote, imposant un rythme qui parfois ne laisse pas de place aux plus faibles. Ce choix de posture dépend-il alors de l’intention du leader ? Ou est-ce une expression d’un trait de caractère difficile à modifier ?
Cette question prend tout son sens à une époque où le leadership tend à être abordé non seulement comme une qualité personnelle mais aussi comme un rôle adaptable. De plus en plus de recherches et de pratiques se penchent sur la possibilité de faire évoluer son style de management, et certaines approches de la psychologie appliquée, comme la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), sont utilisées pour transformer des comportements ancrés. Le développement personnel, dans ce cadre, peut devenir un outil pour ajuster les traits perçus comme rigides — pour s’adapter aux besoins du groupe tout en maintenant un équilibre entre efficacité et bienveillance.
4. La Réalité des Inégalités dans le Groupe
L’un des défis fondamentaux du leadership est de gérer la diversité des profils et des niveaux de compétence au sein d’une équipe. Dans tout groupe, il est inévitable que des disparités existent : certains membres se démarquent par leurs compétences et leurs performances, tandis que d’autres peuvent éprouver des difficultés, avoir des faiblesses, voire des vulnérabilités plus prononcées. Ce contraste soulève une question essentielle : le leader doit-il chercher à compenser ces disparités pour créer un environnement où chacun bénéficie d’une chance équitable de réussir ?
Ce point devient encore plus crucial dans les organisations qui emploient des personnes en situation de handicap, des individus venant d’horizons socio-économiques variés, ou encore ceux qui, pour diverses raisons, ne sont pas « au niveau » du meilleur. Si le leader choisit d’ignorer ces différences, il risque de créer un environnement compétitif dans lequel les plus vulnérables sont laissés pour compte, voire marginalisés. D’un autre côté, il peut également décider d’adopter une approche proactive, en mettant en place des systèmes de soutien et de protection qui permettent à chacun de se sentir inclus et respecté.
En fin de compte, le style de leadership dépend de la volonté d’accepter ou de réduire ces inégalités naturelles. Dans une optique darwinienne, on pourrait argumenter qu’il est logique de laisser les plus forts s’élever tandis que les moins performants s’adaptent ou se retirent. À l’inverse, pour ceux qui prônent une approche plus égalitaire, l’enjeu est d’amener chacun au niveau de performance souhaité, non par la pression, mais par le soutien et l’accompagnement.
5. Conclusion : Un Choix Stratégique
Au final, cette réflexion sur le leadership et la gestion des disparités dans une organisation pose une question de valeurs. Comme le rappelait Milton Friedman, la mission de l’entreprise et de ses associés reste un choix stratégique : chaque organisation peut décider de favoriser une approche purement économique, ou au contraire, choisir de consacrer une partie de ses ressources et de son énergie à des valeurs sociales. En fonction de l’objectif poursuivi, le leader doit adapter son style, se positionnant tantôt comme un patron protecteur, tantôt comme un gestionnaire de performance, voire un despote si les circonstances l’exigent.
En clair, le leader a le choix de son positionnement en fonction des objectifs de son organisation, mais il est inévitable que ce choix soit influencé par les valeurs personnelles de ce dernier et celles de son équipe dirigeante. Ce débat sur le leadership, entre performance pure et bienveillance, ne trouve pas de réponse unique : il pose surtout la question de l’équilibre, de la finalité de chaque structure et de l’image qu’elle souhaite refléter.
Ce sujet s’adresse ainsi à chaque institution et chaque leader, les invitant à considérer le leadership non pas comme une épreuve de force, mais comme un acte conscient de gestion des écarts de performance et des besoins humains.
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