Une Autorité Douce et un Engagement Mutuel
Nous avons exprimé non pas un rejet total de l’autorité, une volonté d’anarchie, mais plutôt voulu dire que l’autorité doit être soft plutôt que hard. Ces notions de soft (doux) et hard (dur) découlent des deux principes, manières, en géopolitique de contrôle d’un état par un autre. L’approche « dure » consiste en une guerre colonisatrice, on envahit un pays et on y impose son autorité par la force. L’approche « douce » est plus insidieuse car elle consiste à progressivement convertir la culture du pays visé. Au lieu d’une autorité qui commande et sanctionne, c’est une autorité qui inspire, et qui par le mécanisme inhérent à la « dissonance cognitive » de Festinger, amène les gens à se comporter autrement sous l’effet de leur culture, c’est à dire de leurs croyances, de leurs valeurs, qui induisent leurs coutumes, et donc leurs lois par l’effet du « Reflective Equilibrium » de Rawls.
Car l’anarchie ne veut pas nécessairement dire le chaos si on se considère membre d’une société et que du fait d’un « pacte social » implicite ou explicite, on se soumet à ses lois car en contrepartie la société se soumet à nos droits. Par exemple, ayant acquis des droits au chômage, à la retraite, ou à l’invalidité, si je fais valoir mes droits la société m’obéira, elle me versera une pension. Il y a donc réciprocité : nous nous obéissons mutuellement selon des droits que nous nous reconnaissons les uns aux autres. Cela ne veut pas dire pour autant que les autres ont autorité sur nous, nous conservons notre autonomie d’agir, pourvu que la culture n’en souffre pas trop.
Nous noterons alors avec plaisir que le latin reciprocus désigne ce qui revient au point de départ, et que cela fait écho au Koru maori que nous avons choisi comme symbole, puisqu’il symbolise le retour au sources. La réciprocité induit également une notion de vie ensemble, de sym-bios. Les actions que nous exerçons les uns sur les autres doivent être équivalentes. D’où l’expression « je vous rendrai la pareille » pour une promesse d’action réciproque. Nous pouvons aussi y voir le principe du contrat en droit anglo-américain où une offre doit recevoir une considération, une contrepartie.
Car typiquement, si on prend la métaphore que la graine qui commande la pousse de l’arbre est la métaphore de l’autorité, nos parents sont nos ‘autorités naturelles’ dont nous nous émancipons parvenus à l’âge adulte. Mais la société n’est alors pas une autorité sur nous car elle n’est pas antérieure à nos parents, elle leur est conjointe. Donc si affranchi de mes parents ce n’est plus à eux que je réponds de mes actes, en revanche je réponds à la société tout comme elle doit me répondre. Nous avons donc une responsabilité réciproque. Nous nous obéissons mutuellement, comme dans un couple marié, sans être les auteurs l’un de l’autre.
En résumé, la réciprocité émerge comme un principe fondamental dans notre compréhension de l’autorité. En privilégiant une approche douce plutôt que coercitive, nous promouvons une dynamique où l’inspiration et l’influence remplacent la contrainte. Cette vision s’ancre dans un contexte de responsabilité mutuelle entre les individus et la société, unissant les deux parties dans une relation de symbiose. La réciprocité, symbolisée par le retour au point de départ, transcende la simple obéissance pour refléter un engagement actif et équitable. Tout comme les membres d’un couple marié s’obéissent mutuellement sans être les auteurs l’un de l’autre, les individus et la société partagent une responsabilité réciproque, préservant ainsi l’autonomie tout en reconnaissant l’importance de l’engagement mutuel. Dans cette perspective, la réciprocité devient le socle sur lequel édifier une autorité qui inspire et guide, favorisant une coexistence harmonieuse entre les droits individuels et les obligations collectives.
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