Il y a des métiers tels que médecin, avocat, où il n’y a pas trop besoin de prouver son expertise ex-ante par des publications sur un blog, tandis que cela peut être plus critique pour un coach, un mentor, un conseiller, des professions où le diplôme éventuel garantit moins le talent.
Or l’usage tend alors à publier des preuves de ses capacités en montrant les travaux que l’on a effectué et les réussites que l’on a obtenu, et cela ressemble finalement aux « photos de vacances » qu’on peut trouver sur les réseaux sociaux.
Personne ne fait comme moi de narrer ses expériences comme des aventures baroques, de citer qu’on a travaillé en milieu nucléaire sur un problème important en se plaignant du temps qu’il fait dans cette région, comme si ce que j’avais fait était parfaitement banal.
Cependant, la réputation peut reposer sur deux piliers : les résultats concrets (praxis) ou l’autorité et l’expertise intellectuelle (cognos). Certains métiers mettent en avant les réussites tangibles, tandis que d’autres s’appuient sur la connaissance approfondie dans leur domaine.
Il pourrait être alors judicieux de citer que nos clients sont contents de nous, à la manière dont les étoiles Google viennent noter les restaurants et hôtels.
Mais les clients sont-ils alors compétents pour savoir si le travail a été bien fait ? Car ils peuvent également être satisfaits facilement, tandis qu’un collègue du métier pourra trouver que l’art n’a pas été suffisant, trouver des défauts dans le travail effectué.
Donc des preuves de qualité pour le travailleur intellectuel pourraient être davantage par les publications dont il a bénéficié lorsqu’il y a un comité de lecture, ou par la complexité des problèmes qu’il a su résoudre, l’éducation qu’il a apporté à un public.
Mais le travailleur intellectuel doit-il uniquement aider les gens à résoudre leurs problèmes avec ses connaissances, ou doit-il également anticiper les problèmes potentiels liés à l’ignorance et transmettre ces connaissances en conséquence ? En fin de compte, est-il là pour enseigner aux gens ce qu’ils ignorent ou pour résoudre les problèmes qu’ils rencontrent en raison de leur ignorance ?
La société semble alors s’être structurée en enseignants d’un côté et experts solutionnant des problèmes de l’autre, or les connaissances évoluent à présent si vite qu’il n’est plus guère possible de faire une « pause » pour aller suivre à nouveau des cours, et les problèmes sont devenus plus fréquents et complexes. Les experts doivent donc pouvoir maintenir leur niveau, se tenir au courant, et il paraîtrait alors rassurant de savoir qu’ils sont au fait des dernières nouveautés, et également qu’ils participent aux innovations par leurs publications, leurs recherches, leurs expérimentations.
La capacité des experts à rester à la pointe de leur domaine devient alors une mesure non seulement de leur compétence actuelle, mais aussi de leur adaptabilité et de leur engagement envers l’innovation continue. Ce processus dynamique crée une boucle où la recherche alimente la pratique, et la pratique alimente à son tour de nouvelles recherches, créant un écosystème où l’expertise est en constante évolution pour répondre aux défis toujours changeants de notre société.
Néanmoins savoir rédiger ce que l’on sait, ou ce que l’on apprend, n’est pas inné pour tout le monde, n’a pas toujours été enseigné selon les disciplines. L’époque où on réalisait une ségrégation entre les « manuels » et les « intellectuels » n’est pas si ancienne. Et s’y ajoute l’arrivée de l’IA générative qui fait qu’on lui demande plus volontiers des informations plutôt qu’aller consulter un expert. Les publications des experts devront alors être en mesure de surpasser ce que l’IA peut rédiger, mais ne risquent-elle pas alors de devenir trop « pointues » pour le public que sont les clients de ces experts ?
Laisser un commentaire