Vous connaissez certainement l’homo sapiens, l’homme de sagesse, peut-être l’homo faber, l’artisan qui fabrique, éventuellement l’homo ludens, celui qui joue, mais peu probablement l’homme dans sa dimension de communicant, d’homo commūnicāns. Ce concept remonterait à Norbert Wiener qui fonda la cybernétique, qu’on nommerait aujourd’hui systémique. « Le réel pourrait tout entier s’interpréter en terme d’information et de communication » en dit Philippe Breton. Cette communication revêtant une certaine transparence, et pourquoi pas aussi une NonViolence (CNV), afin que le lien social soit entretenu et contrebalance l’entropie causée par les conflits (ou les nouveaux arrivants). Certains pourront alors regretter que l’homme soit communicant, s’expose à un public, plutôt que se livrer à des introspections pour apprendre qui il est.
Or c’est à mon avis une erreur que réduire la communication à ce qui est diffusé par la TV, tout en reconnaissant que 30 ans après le propos de Jacques Mousseau, nous communiquons tous allègrement sur les réseaux sociaux, à grand coup de selfies et d’évocation de ce que font nos conjoints, nos enfants, sans forcément leur demander leur avis pour être ainsi exposés. Car il nous faut aussi songer à l’homo œconomicus, celui qui a besoin de gagner sa vie pour vivre, de consommer pour sa subsistance et un peu de loisirs, lorsqu’il n’est pas né nanti par une fortune qui l’en dispense, ou titulaire d’une pension qui l’en affranchit. Et donc, dans ce but, il doit employer à minima un CV pour accéder à des emplois, ou faire savoir qu’il est un homo faber, un artisan, afin que des clients se présentent à lui avec des besoins à satisfaire. Communiquer n’est donc pas qu’indispensable, c’est aussi un acte politique que de faire savoir à des citoyens ad hoc que l’on existe et qu’on peut leur être d’une certaine utilité. Par conséquent l’homo doit être en plus politicus, avoir un rôle dans la cité et le faire savoir, procurer le désir qu’on fasse appel à lui, qu’on ne l’abandonne pas comme un mendiant au bon gré de la charité publique.
Car communiquer n’est pas qu’exprimer une information plus ou moins pertinente pour son public, son audience, c’est aussi mettre en commun cette information, en nous rappelant que le latin munus signifie la tâche, le job. La communauté est donc de considérer que nous avons des besoins communs, des tâches à nous partager, auxquels il peut falloir que nous nous y mettions à plusieurs pour les satisfaire. L’état n’a pas à pourvoir à tout, les citoyens peuvent aussi se réunir, s’associer, pour procurer un bien ou un service, réaliser une tâche, à l’instar de Koru Conseil qui essaie modestement de communiquer un peu de sagesse. Et si alors je peux admettre de devoir payer pour pouvoir exprimer mes communications quand elles requièrent la contribution d’un concitoyen homo faber, j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi je devrais payer pour apprendre quelque chose, surtout si je n’en ai pas besoin. Nous avons donc ici une problématique de pertinence dans notre communication afin de ne pas spammer les gens.
Mais ce que sous-tend aussi ce concept d’homo commūnicāns est aussi ceux d’identité et de grammaire : qui parle à qui, comment faut-il le leur dire ? Cette identité est-elle définie par un nom propre, un numéro de téléphone ou d’adresse IP, ou par une fonction économique ou politique ? Doit-on faire savoir, comme on le fait dans les actes notariés, non seulement comment on nous appelle, mais également ce que nous faisons dans la communauté, la cité, quelle est notre profession ? Qu’est-ce qui nous définit au regard de nos interlocuteurs ? Serait-ce en fonction de ces critères qu’ils nous écoutent ? Ou cela serait-il plutôt déterminé par le plaisir et la facilité de la communication, donc par l’art de parler ou écrire non pas « correctement » comme si des règles transcendantes le fixaient, mais par rapport aux capacités d’entendement de notre audience ? Les deux aspects semblent jouer ensemble assurément.
Et donc, si vous parvenez à ce point de ce texte, avec sa grammaire assez « classique » et son auteur peu connu, ceci voudrait dire que vous le trouvez intéressant, que cette « charge mentale supplémentaire » vous plait, sans parler du temps de lecture à y consacrer. Voudrez-vous alors m’en accuser réception ? Communiquer en retour votre appréciation, ou peut-être une critique, plutôt que rester dans un anonymat et un silence asocial ? Sommes nous bien vous et moi membres de la même communauté et avez-vous envie de me le faire savoir ? Car la communication est un processus interactif et bidirectionnel qui nécessite la participation active de toutes les parties concernées.
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