Devenir l’auteur de sa vie et transcender la division du travail

Devenir l’auteur de sa vie et transcender la division du travail

Il semble s’être produit au fil des siècles une dérive, une confusion et corruption, dans le sens de l’autorité où on s’est mis à plus tenir compte du fait d’être obéi qu’au fait d’être au commencement de quelque chose, en être son auteur. Ces auteurs qui ne le disaient pas étant alors appelés « responsables » car l’auteur devint l’écrivain, forme particulière d’autorité. Or l’autorité, qu’on le prenne avec le mot latin auctoritas ou avec le grec arkhi, porte étymologiquement ce sens d’être au commencement de quelque chose, d’en être son auteur, et le faire croître. C’est la graine qui commande la pousse d’un arbre, et si l’arbre le fait il lui obéit, sans pour autant que la graine ait besoin d’une force de coercition, d’un pouvoir sur l’arbre, du kratos pour prendre le mot grec.

C’est ainsi qu’en tant que parents d’enfants, nous échoit l’autorité sur eux puisque nous sommes pour eux cette graine qui les a fait naître et les fait croître. Partant de là, je me suis demandé si pour l’homme plus que pour l’animal, un désir d’autorité pourrait être naturel chez chacun, comme étant une part de notre identité, puisque cela se produit naturellement et légalement avec les enfants. En allant plus loin, me rappelant l’un de mes enseignants disant que la finalité de tout travailleur est de devenir expert ou manager, cette finalité pourrait être de devenir une autorité d’une manière ou d’une autre, comme une sorte de but transcendant le principe téléologique d’Aristote.

C’est à dire que nous aurions une cause première dans notre existence et notre éducation qui nous amènerait à des valeurs, puis une cause formelle qui serait le métier dans lequel nous allons nous exprimer, une cause matérielle qui serait nos capacités intellectuelles et manuelles, et donc une cause finale qui à l’issue de notre plein développement, notre épanouissement, serait d’être une autorité dans un domaine particulier.

Ceci nous oblige à reconsidérer la notion de division du travail qui semblait partir du besoin de décomposer les tâches afin de parvenir à une œuvre collective complexe. Ce besoin d’autorité transcenderait les besoins matériels, factuels, expliquerait le besoin de reconnaissance, où l’activité exercée ne serait plus qu’un moyen de cette réalisation de soi. Notre « raison d’être » devenant alors similaire pour tout le monde, notre mode d’apport à la société n’étant qu’un « comment », la forme que nous lui donnons du fait de notre cause première.

En redéfinissant l’autorité comme étant au commencement de quelque chose, en tant qu’auteur plutôt que détenteur de pouvoir, nous repensons notre rapport à l’identité, à l’éducation et au travail. En tant que parents, nous sommes les auteurs de la croissance de nos enfants, et cette responsabilité naturelle soulève la question de savoir si un désir d’autorité n’est pas intrinsèquement lié à notre identité. Considérer notre raison d’être comme la recherche de l’autorité dans un domaine particulier, transcendante au-delà des besoins matériels, invite à revoir la division du travail. Au lieu d’être simplement une démarche fonctionnelle, notre contribution à la société devient une expression unique de notre cause première. Ainsi, la quête de devenir une autorité devient le « comment » par lequel nous réalisons notre « raison d’être » commune, remodelant notre compréhension de la réussite personnelle et collective.

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