La pensée critique en entreprise

Il m’est intéressant de repenser au demi-siècle écoulé, avec deux constats : Internet est apparu, puis rapidement les réseaux sociaux, où on peut lire des bagarres d’opinions, qui ne se produisaient d’antan que dans les cafés, ou parfois dans les réunions privées, mais rarement dans les entreprises. Il y avait un respect de la hiérarchie, cette « autorité (arkhi) sacrée (hiéros) » empreinte de fayolisme et de taylorisme, qui s’étiole actuellement, qui est remise en cause pour des motifs autant d’envie d’autonomie des travailleurs, que de besoin de les responsabiliser, de ne pas en faire des « lampistes » exécutant des basses œuvres qui finissent en procès, en scandales.

Or cette autonomie, et cette facilité de s’exprimer à un public externe à l’entreprise, induit je crois un besoin d’éducation à la pensée critique, ainsi qu’à l’expression de ses critiques. Car critiquer maladroitement, c’est donner une mauvaise image de soi. Et il ne peut pas y avoir que des thuriféraires des idées qui sont publiées, il en faut aussi des détracteurs, c’est plus sain pour établir des vérités objectives. Néanmoins, comme la plupart de ceux qui s’expriment sont employés par des entreprises, il existe aussi un risque de ternir l’image de marque de leur employeur en donnant un mauvais exemple de comportement d’employé. Mais faire taire les gens n’est pas sain.

La pensée critique doit donc partir d’une analyse du fond et de la forme d’un propos, réfléchir aux arguments, y reconnaître la logique, et l’évaluer. Il faut également avoir des notions de sophismes pour savoir les reconnaître et les ignorer. Souvent le propos s’appuie sur des faits, en ayant procédé à une sélection de ceux-ci, et peut en omettre d’autres, ne pas être objectif. Puis, en l’absence d’une connaissance approfondie des faits, des informations, il faut être capable de questionner ce qu’on nous dit, ne pas simplement le rejeter comme déplaisant mais l’écouter avec attention, pour y déceler ce qui ne va pas.

C’est ensuite qu’éventuellement on peut y apporter notre réponse, qui doit être claire, concise, objective, accompagné de preuves, et essaie d’être constructive. C’est là où le dialogue est proposé mais ne s’engage pas toujours. En effet, l’orateur de départ n’a peut-être pas votre motivation, peut avoir un dessein par exemple de se mettre en valeur, ou de profiter de possibilités de clivage de son public. Ceux qui s’expriment en public ne sont pas toujours animés des meilleures intentions, et peuvent en particulier être financés, payés, par des gens désireux d’agir dans l’ombre.

Nous voyons donc une dynamique apparaître entre l’écoute et l’expression. Écouter va au-delà de la simple audition des mots ; c’est comprendre les nuances, reconnaître les préjugés et saisir les motivations sous-jacentes. La capacité d’écouter avec empathie permet non seulement de discerner les points de vue divergents, mais aussi d’identifier les besoins et les valeurs des autres. Cette compréhension approfondie prépare le terrain pour une expression de la pensée critique qui transcende la simple opposition d’idées. En combinant l’écoute active avec une expression réfléchie, les individus peuvent contribuer à un dialogue constructif au sein de l’entreprise, favorisant ainsi un environnement où la pensée critique peut prospérer.

En conclusion, la pensée critique en entreprise se révèle être un pilier fondamental dans un contexte où la hiérarchie traditionnelle est remise en question, et où les canaux d’expression individuelle sont multiples. Le défi réside dans l’équilibre délicat entre autonomie et responsabilité, entre l’expression franche des idées et le respect des valeurs et de l’image de l’entreprise. Cultiver la pensée critique, c’est investir dans l’autonomie intellectuelle des employés, tout en favorisant une communication respectueuse et constructive. À mesure que la culture de l’entreprise évolue, la pensée critique émerge comme un catalyseur de l’innovation, de la résolution créative de problèmes et du développement continu. C’est en encourageant l’éducation à la pensée critique que les entreprises peuvent créer un environnement où la diversité des idées est célébrée et où chacun peut contribuer à la recherche de solutions efficaces et éthiques.

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